Devant l’usine de Monsanto, mercredi 12 décembre.
© Marie Astier/Reporterre
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À Trèbes, dans l’Aude, depuis lundi, les Gilets jaunes des environs font face au géant mondial des pesticides et des semences (récemment racheté par Bayer), un mini camp gaulois s’est installé, brandissant un gilet jaune au nez de la multinationale.

Lundi 10 décembre dernier, avant l’arrivée des employés sur le site, un groupe de Gilets jaunes a donc empêché les livraisons. « On a tenu de 5 heures du matin jusque 13h30, puis les gendarmes nous ont délogé », poursuit Benoît. Les forces de l’ordre ont veillé devant le portail afin d’empêcher un nouveau blocage. Le lendemain, le mardi 11 décembre, cinq personnes ont été emmenées en garde à vue puis ont été relâchées en fin de journée.

« On veut montrer qu’on ne veut pas juste plus de sous, on veut vivre mieux »

Ne pouvant plus bloquer, ils se sont installés sur le terrain face à l’entreprise, prêté par le propriétaire. Un petit campement s’est formé en seulement deux jours. Un camion sert d’arrière cuisine, des toilettes sèches viennent d’être installées, le stock de bois grandit au fur et à mesure des divers apports. Le camp a été clôturé, l’herbe coupée, un parking délimité. Le tout commence à déranger la multinationale

« On veut montrer qu’on ne veut pas juste plus de sous, on veut vivre mieux », dit Benoît. « On est là pour unir les forces d’opposition à Macron. » Alors qu’il nous quitte rapidement pour aller au boulot, Fabienne, 45 ans, chômeuse, enchaîne. « Faut que le vivant soit au cœur de nos revendications. Monsanto on ne sait même pas s’ils payent des impôts en France, et ils ont eu des sous du CICE [crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, NDLR], on finance une entreprise qui nous empoisonne. Une poignée d’humains possèdent la plus grande part de la richesse… » « … Et en plus c’est cette minorité qui pollue la planète », complète son mari David. « On ne fait que nous dire que la planète va mal, alors pourquoi ils sont là ? » questionne Céline depuis son siège de camping, désignant Monsanto du menton. « Ils fabriquent de la merde, et après, nous on la bouffe et ça nous rend malades. »

Ils s’accordent à demander un renouveau démocratique. Robert un vigneron bio à la retraite, vise les élections des chambres d’agricultures : « Seuls les agriculteurs élisent les représentants, alors que les citoyens devraient voter, ce sont eux qui payent les 10 milliards d’euro de la PAC [Politique agricole commune, Ndlr]. » Fabienne, avec David et leur ami Anthony, réclament eux le « référendum d’initiative citoyenne », le « RIC ». « On pourrait en faire un sur les OGM », suggère Robert. « Les Gilets jaunes c’est le souffle d’espoir dont la société avait besoin », poursuit l’ancien vigneron.

« C’est l’une des deux plus grosses unités de traitement des semences de Monsanto »

Dans l’assemblée, si certains sont déjà des écolos bien informés, d’autres ne connaissaient pas Monsanto. Benoît a pris l’initiative d’appeler les Faucheurs volontaires, qui sont venus mardi parler de Monsanto aux Gilets jaunes. L’usine est en fait un site de « traitement » et « d’enrobage » des semences de maïs, colza et soja. En clair, elle les trie et les assaisonne aux pesticides. « C’est l’une des deux plus grosses unités de traitement des semences de Monsanto », explique Jacques Dandelot, un des Faucheurs venu sur place. Cela fait déjà pas mal d’années que ceux-ci enchaînent les actions sur le site, avec la Confédération paysanne. « Lors de l’une de nos intrusions, on avait trouvé du maïs Ogm MON810, interdit à la culture en France, et des pesticides néonicotinoïdes aussi interdits. Mais c’est légal car les semences sont importées, enrobées puis réexportées. »

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Jean-François, Gilet jaune présent sur le campement, complète cette description avec quelques précisions sur les pratiques sociales de la multinationale. Il y a travaillé deux saisons : « On était au moins une centaine d’intérimaires. Ils embauchent sur des contrats courts d’un mois, deux mois, les enchaînent jusqu’à six mois, puis ils font une interruption de quatre mois pour ne pas avoir à vous embaucher en CDI, puis il vous reprennent à nouveau, etc. »

De l’autre côté de la route, la nuit est tombée sur le campement, des renforts sont venus prendre la relève. Autour des flammes, on continue de refaire le monde et des rencontres inattendues. Le but est avant tout d’être toujours plus nombreux, avant de pouvoir envisager d’éventuelles actions. Un groupe qui s’éloigne lance à ceux qui restent : « Tenez bon, on revient samedi ! »

aronews

Source : Marie Astier pour Reporterre

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